Appel à communications CinéDesign 2

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Here is the call for papers in english.

Appel à communications :

Faisant suite à la journée d’étude CinéDesign des 6 et 7 octobre 2016 organisée à l’université Toulouse — Jean Jaurès, ce colloque international vise à matérialiser quelques uns des enjeux liés aux fictions dans les domaines du design et du cinéma. Cet appel s’adresse donc à la fois à des chercheur/se/s mais aussi à des designers, réalisateur/trice/s, acteur/trice/s, scénaristes, scénographes, etc., que ces personnes soient ou non impliquées dans des activités universitaires.

Entre cinéma et design : la fabrique des fictions

Il s’agit tout d’abord d’explorer comment le cinéma peut projeter de nouveaux usages et opérer un travail se rapprochant du projet de design, notamment dans le genre de la science-fiction particulièrement propice à de telles projections. Deuxièmement, les dimensions fictionnelles, fictives ou relevant d’un faire-fiction des productions de design demandent aussi à être interrogées. Ainsi, la réflexion qui animera le colloque se situe au cœur de la dialectique opposant les « fictions fonctionnelles » (du storytelling associé au marketing) aux « fonctions fictionnelles » (des fonctions à venir, à penser, à inventer ; Quinz) : il y a là en effet un enjeu politique pour le design. Le cinéma possède la capacité de projeter des usages impensés, inédits ou nouveaux tandis que le design peut faire plier les impératifs de fonctionnalité pour rejoindre cette ambition.
Le terme même de « fiction » pourra être interrogé (Schaeffer, Rancière) en mobilisant les savoirs théoriques et techniques propres aux deux champs disciplinaires engagés, et au regard des apports de la philosophie (Aristote, Platon) et de la littérature (Pavel, Lang). Faire-fiction en design, c’est engager un questionnement sur les usages à venir à partir de situations données : c’est tout le travail de scénario d’analyse (par le relevé, l’enquête) que les enseignant/e/s de design sont amené/e/s à amorcer auprès des étudiant/e/s, notamment à l’université. Le scénario permet de mettre en récit une situation existante, et de ce travail fictionnel et documentaire naissent d’autres scénarios de « fictions potentielles » (De Toledo) prenant la forme d’hypothèses dans l’économie du travail de projet. La proximité avec des personnes considérées comme des usager/ère/s plutôt que consommateur/trice/s est à la racine de l’engagement politique (Denoual & Pandelakis) et existentiel du design. Ce n’est pas donc seulement l’idée d’un storytelling commercial qu’il faut engager, ni même s’emparer des « histoires » que nous nous racontons avec les objets et les espaces, mais bien travailler des potentialités nouvelles conjuguées au futur (Masure ; Nova) et au présent (Quinz, Toran, Morozov, Rancière, Thwaites, Graves).

Fiction & critique

Nous tâcherons donc de saisir la nature fictionnelle des usages (faire comme si, faire comme, faire avec) activés par nos objets, espaces, services, interfaces, etc. La notion de fiction, dans le design, fait également écho depuis une dizaine d’années au champ du « design fiction » (Dunne & Raby, Toran, Ben Hayoun), à analyser au regard du « design critique » (depuis le travail des radicaux italiens). Le design engage-t-il nécessairement la notion de fiction ? Jusqu’à quel point celle-ci est-elle pertinente ? La notion de script, de scénario (Akrich) intéressera également les concepteurs/trices : n’est-elle pas un levier pour considérer (Macé) les utilisateurs/trices des objets dans une fiction dont déborderont nécessairement les pratiques (Stiegler, de Certeau) ?
En partant du cinéma, d’autres pistes sont envisageables. Il convient ainsi de prendre en compte les multiples couches fictionnelles engagées par les films : la diégèse elle-même, mais aussi les contenus transmédiatiques associés (bande annonce, générique, merchandising, fan-fiction) qui sont autant « d’objets » faisant proliférer les fictions – en continuité ou rupture vis-à-vis du récit de référence (Letourneux, Jenkins). Les notions de possible/impossible viennent aussi questionner la valeur d’un contenu fictionnel en relation à un monde pensé comme « réel » et prolongent des questionnements anciens sur la valeur d’index des contenus filmés (Bazin). Des renversements intéressants peuvent se produire, entre les objets du film (qui offrent d’éventuels modèles à questionner, prolonger en design) au film comme objet – lorsqu’il est par exemple utilisé comme une cartographie de représentations et d’émotions (Bruno).

Projeter, faire projet, filmer : des usages potentiels

Le design a la capacité de configurer les rapports entre l’humain et le monde, tandis que le cinéma possède celle de projeter des usages et des comportements, comme cela a été mis en avant dans plusieurs des communications de la journée d’étude CinéDesign. Les deux domaines se rejoignent ainsi autour de la notion de potentialité. Cinéma et design proposent chacun des manières de voir, de comprendre, d’observer le monde et de s’y positionner (Huyghe). Il devient alors pertinent, dans une approche intermédiatique entre ces deux pratiques, de questionner le design au prisme des fictions filmées, ou d’interroger le dispositif cinématographique en croisement avec les objets sur lesquels s’appuient les récits. Les multiples confluences qui émanent de ces disciplines — comme les usages hérités du cinéma (les interfaces de Star Trek, proches de nos smartphones contemporains), le design comme support au déploiement d’un imaginaire (les environnements urbains et domestiques déployés dans Blade Runner), les relations entre récits et usages projetés (les nouveaux rapports qui s’intallent entre l’humain et son système d’exploitation dans Her) — seront au cœur des problématiques de ce colloque.

Entre cinéma et design, comment cette notion d’usages fictionnels voire fictionnés est-elle (re)jouée ? En quoi ces deux champs, sillonnnés par les fictions, peuvent-ils participer d’une transformation de nos environnements ? La notion d’impossibilité traversera également le questionnement et permettra de saisir plusieurs rencontres inédites entre cinéma et design, que nous esquissons ici dans une liste non exhaustive :

IMPOSSIBLE, COMME CE QUI NE PEUT FONCTIONNER ; représentations d’objets non fonctionnels au cinéma (idée de l’objet brisé, ne marchant pas ou plus, obsolète, etc.) ; dispositifs contradictoires, absurdes, impensables, contrariés, déviés, queer ;

IMPOSSIBLE, COMME CE QUI PEUT ÊTRE MAIS N’EST PAS ; représentation d’usages potentiels, non réalisés dans le quotidien, mais inventés à l’écran ;Le cinéma au service d’usages ou dispositifs à rendre possibles : la fiction comme moyen d’abattre les dualités possible / impossible ;

IMPOSSIBLE, COMME CE QUI RELÈVE DE L’IRRÉALISABLE, ce qui défie les lois physiques du monde dit « réel » : c’est à dire les objets et usages qui n’existent que dans la fiction et qui soulignent l’incapacité du design à les reproduire ;

IMPENSABLE, COMME CE QUI NE FAIT PAS SENS, est absurde, paradoxal, met la pensée en échec, l’aporie ;

IMPENSABLE, COMME CE QUI EST NON-DIT, en creux, qui n’apparaît pas à l’écran mais qui en conséquence se manifeste par son absence ;

IMPENSABLE, COMME CE QUE L’ON SE REFUSE À ENVISAGER, ce que l’on ne veut pas admettre, ce qui est refoulé, ce qui est laissé en marge des narrations consensuelles ;

À PENSER, COMME CE QUI RELÈVE DES IMAGINAIRES DU FUTUR, infusés par l’injonction à l’innovation (Huyghe), frappés par une « panne » (Nova), contextualisés de manière dystopique / utopique / hétérotopique.

À PENSER, COMME CE QUI POURRAIT / DEVRAIT ÊTRE : Représentation d’usages détournés (hacking, hijacking, appropriation, repurposing, etc.) ; matériaux et process inédits ; usages idéaux, utopiques, dystopiques, etc.

Le projet Cinédesign 2 comprend 3 jours de conférences, de projection, d’échanges.
Entre projet de cinéma et design-fiction, les pratiques de chaque domaine sont amenées à s’hybrider et à se contaminer ; le colloque projette d’exposer ces porosités en intégrant à son programme des designers, concepteurs/trice/s, cinéastes, etc. Les approches transversales mêlant les cultures des deux disciplines et faisant ressortir leurs zones de frottements seront particulièrement appréciées.

Cet évènement se donne comme horizon la constitution d’actes de colloque où la forme graphique sera nécessairement engagée puisqu’elle constitue un enjeu de design. Fondé sur la méthode mise en œuvre lors des premiers actes auto-publiés en 2017 (Dunyach, Masure & Pandelakis), ce travail s’inscrira dans la lignée des recherches visant à questionner la forme de l’encyclopédie amorcées au sein du laboratoire LLA-CRÉATIS. Forme graphique et épistémique, l’objet « encyclopédie », lui-même horizon d’un impossible (la connaissance exhaustive totale), nous permettra de rendre disponibles les communications par le filtre d’un inventaire à constituer.

Le colloque se déroulera en 3 jours, dès le jeudi 8 novembre au matin. Une journée sera augmentée d’une projection cinématographique. Une matinée d’atelier est prévue le samedi matin afin de varier les formats d’échanges propres au contexte académique.
Différentes typologies d’intervention sont prévues pour faire place à cette diversité d’approches, et des propositions inhabituelles seront donc les bienvenues. Les interventions seront filmées, comme cela était le cas lors de la journée d’étude initiale, afin qu’elles soient également rendues disponibles sous cette forme à la suite de l’événement.

Les propositions, sous forme de résumés de communication de 300 mots environ, devront être envoyées avant le 30 avril 2018 par mail (objet du mail : proposition de communication - colloque 2018) à l’adresse groupe.cinedesign@gmail.com, accompagnés d’une courte notice biographique et d’images de portfolio dans les cas où cela serait pertinent.
Les communications devraient suivre un format de 20-25 minutes, en français ou en anglais.

Organisation :
Irène Dunyach
Anthony Masure
Pia Pandelakis

Responsables scientifiques :
Mélanie Boissonneau (ATER Sorbonne-Nouvelle Paris 3, IRCAV)
Fabienne Denoual (MCF en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)
Irène Dunyach (Docteure en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)
Brice Genre (MCF en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)
Anthony Masure (MCF en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)
Pia Pandelakis (MCF en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)

Bibliographie

Akrich, Madeleine. 1987. « Comment décrire les objets techniques ? ». Techniques et Culture 9 :49-64.
Appadurai, Arjun. 1988. The Social Life of Things: Commodities in Cultural Perspective. Cambridge, Royaume-Uni : Cambridge University Press.
Aumont, Jacques. 2003. « L’objet cinématographique et la chose filmique ». Cinémas : revue d’études cinématographiques 14 (1): 179 203.
Bazin, André. 1976. Qu’est-ce que le cinéma ? Paris :Cerf.
Bruno, Giuliana. 2002. Atlas of Emotion:Journeys in Art, Architecture, and Film. New York : Verso.
Certeau de, Michel. 1990[1890]. L’invention du quotidien, tome 1, Arts de faire. Paris : Gallimard.
Coles, Alex, éd. 2016. Design Fiction, EP Vol. 2. Berlin : Sternberg Press.
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Dunyach, Irène & Pia Pandelakis, éd. 2017. CinéDesign: pour une convergence disciplinaire du cinéma et du design. Autopublié sur Blurb.fr.
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