CinéDesign 2 : L'Encyclopédie [2019]

En novembre 2018 s’est tenu à Toulouse (Université Toulouse – Jean Jaurès et partenaires) le colloque international CinéDesign 2, deuxième événement organisé par le groupe de recherche CinéDesign. Depuis 2016, le groupe propose des événements d’échange et de travail autour des disciplines du cinéma et du design, et a organisé dans cette optique une première journée d’étude en 2016, suivie d’une publication rapidement parue en 2017.

Suite au colloque de 2018, nous ne souhaitons pas seulement réaliser des actes conventionnels, mais ambitionnons de rassembler une publication de recherche et un complément encyclopédique inventoriant objets impossibles, impensables et à penser, entre design et cinéma. Il s’agit donc d’actes du colloque, mais aussi d’une publication qui s’ouvre à d’autres contributions, y compris de chercheur/se/s n’ayant pas participé à l’événement.

Entre cinéma et design : la fabrique des fictions

Le colloque a exploré comment le cinéma peut figurer de nouveaux usages et opérer un travail se rapprochant du projet (progetto) de design, notamment dans le genre de la science-fiction. Les dimensions fictionnelles, fictives ou relevant d’un faire-fiction des productions de design demandaient ont ainsi été interrogées. La réflexion qui a animé le colloque se situe au cœur de la dialectique opposant les « fictions fonctionnelles » (du storytelling associé au marketing) aux « fonctions fictionnelles » (des fonctions à venir, à penser, à inventer ; Quinz) qui constitue toujours un enjeu politique pour le design. Le cinéma possède la capacité de projeter des usages impensés, inédits ou nouveaux tandis que le design peut faire plier les impératifs de fonctionnalité pour rejoindre cette ambition. C’est dans ces dimensions parallèles que se sont rapproché/e/s et ont discuté des chercheur/se/s en design, cinéma, des historien/ne/s, des cinéastes et des designers. Nous reviendrons ci-après sur les enjeux théoriques qui ont émergé dans le colloque, et qui vous seront proposés comme autant de pistes pour de nouvelles réflexions.

Un objet livre singulier, résultat d’un processus de recherche-projet / recherche-création

La publication sera hybride, croisant les formats et les typologies d’écrits pour se présenter comme une forme d’encyclopédie, rassemblant :

  • des écrits théoriques académiques, tels que des articles de recherche qui reprennent et explicitent les communications du colloque, ou des articles proposés en réponse à cet appel ;
  • des productions écrites à la forme libre, ne tenant pas nécessairement de l'article de recherche : des essais, interviews, fictions, illustrations, schémas, etc.
  • des dessins & illustrations représentant les objets impossibles (et leurs possibles envers, variantes, déclinaisons). Ces illustrations seront réalisées par les graphistes en charge de l’édition de l’ouvrage, mais il est possible pour vous de proposer des entrées dessinées.
  • des recueils de notices réalisées sur le mode encyclopédique : par exemple, une collection d’objets comme « Les lunettes dans le cinéma hollywoodien », qui inclura une liste ces objets, des notices par objets, et sera augmentée d’illustrations par l’équipe éditoriale. Pour donner une meilleure idée du fonctionnement de ces recueils destinés à former des encarts dans l’ouvrage final, nous détaillons à la fin de cet appel les recueils déjà envisagés par le comité de direction.

Vous pouvez proposer une ou plusieurs productions s’inscrivant dans ces catégories.

L’ouvrage sera mis en page par Irène Dunyach et Saul Pandelakis, tous deux chercheur/se/s en design, spécialisé/e/s en design graphique.

Les productions écrites devront s’inscrire dans le champ théorique et ensemble de questions explicités ci-dessous.

Fiction & design en friction

Faire-fiction en design, c’est engager un questionnement sur les usages à venir à partir de situations données : c’est tout le travail de scénario d’analyse (par le relevé, l’enquête) que les enseignant/e/s de design sont amené/e/s à amorcer auprès des étudiant/e/s, notamment à l’université. Le scénario permet de mettre en récit une situation existante, et de ce travail fictionnel et documentaire naissent d’autres scénarios de « fictions potentielles » (De Toledo) prenant la forme d’hypothèses dans l’économie du travail de projet. La proximité avec des personnes considérées comme des usager/ère/s plutôt que consommateur/trice/s est à la racine de l’engagement politique (Denoual & Pandelakis) et existentiel du design. Ce n’est donc pas seulement l’idée d’un storytelling commercial qu’il faut engager, ni même s’emparer des « histoires » que nous nous racontons avec les objets et les espaces, mais bien travailler des potentialités nouvelles conjuguées au futur (Masure ; Nova) et au présent (Quinz, Toram, Morozov, Rancière, Thwaites, Graves). Nous avons donc tâché donc de saisir la nature fictionnelle des usages (faire comme si, faire comme, faire avec) activés par nos objets, espaces, services, interfaces, etc., pour ponctuellement dépasser cette question de l’objet.
La notion de fiction, dans le design, fait également écho depuis une dizaine d’années au champ du « design fiction » (Dunne & Raby, Toran, Ben Hayoun), à analyser au regard du « design critique » (depuis le travail des radicaux italiens). Le design engage-t-il nécessairement la notion de fiction ? Jusqu’à quel point celle-ci est-elle pertinente ? La notion de script, de scénario (Akrich) intéressera également les concepteurs/trices : n’est-elle pas un levier pour considérer (Macé) les « utilisateurs/trices » des objets dans une fiction dont déborderont nécessairement les pratiques (Stiegler, de Certeau) ?

Du designer au/à la cinéaste : convergences méthodologiques

En partant du cinéma, d’autres pistes sont envisageables. Il convient ainsi de prendre en compte les multiples couches fictionnelles engagées par les films : la diégèse elle-même, mais aussi les contenus transmédiatiques associés (bande annonce, générique, merchandising) qui sont autant « d’objets » faisant proliférer les fictions – en continuité ou rupture vis-à-vis du récit de référence (Letourneux, Jenkins). Les notions de possible/impossible viennent aussi questionner la valeur d’un contenu fictionnel en relation à un monde pensé comme « réel » et prolongent des questionnements anciens sur la valeur d’index des contenus filmés (Bazin). Des renversements intéressants peuvent se produire, entre les objets du film (qui offrent d’éventuels modèles à questionner, prolonger en design) au film comme objet – lorsqu’il est par exemple utilisé comme une cartographie de représentations et d’émotions (Bruno). Enfin, dans le contexte du colloque, a émergé la question des méthodologies de travail du/de la cinéaste et du/de la designer. Tables de travail, supports graphiques, projections mentales, découpage visuel d’une timeline : autant d’outils graphiques communs, ou parfois en friction, qui montre ce faire-fiction, et cette amorce de possibilité passe par un travail proche de conception, de projection, où se rencontrent les deux disciplines.

Projeter, faire projet, filmer : des usages potentiels

Entre cinéma et design, comment cette notion d’usages fictionnels voire fictionnés est-elle (re)jouée ? En quoi ces deux champs, traversés par les fictions, peuvent-ils participer d’une transformation de nos environnements ? La notion d’impossibilité traversera également l’ouvrage et permettra de saisir plusieurs rencontres inédites entre cinéma et design, que nous esquissons ici dans une liste non exhaustive :

IMPOSSIBLE, COMME CE QUI NE PEUT FONCTIONNER : Représentations d’objets non fonctionnels au cinéma (idée de l’objet brisé, ne marchant pas ou plus, obsolète, etc.) ; dispositifs contradictoires, absurdes, impensables, contrariés, déviés, queer ;

IMPOSSIBLE, COMME CE QUI PEUT ÊTRE MAIS N’EST PAS : Représentation d’usages potentiels, non réalisés dans le quotidien, mais inventés à l’écran ; Le cinéma au service d’usages ou dispositifs à rendre possibles : la fiction comme moyen d’abattre les dualités possible / impossible ;

IMPOSSIBLE, COMME CE QUI RELÈVE DE L'IRRÉALISABLE, ce qui défie les lois physiques du monde dit « réel » : c'est-à-dire les objets et usages qui n'existent que dans la fiction et qui soulignent l'incapacité du design à les reproduire ;

IMPENSABLE, COMME CE QUI NE FAIT PAS SENS, est absurde, paradoxal, met la pensée en échec ;

IMPENSABLE, COMME CE QUI EST NON-DIT, en creux, qui n’apparaît pas à l’écran mais qui en conséquence se manifeste par son absence ;

IMPENSABLE, COMME CE QUE L'ON SE REFUSE À ENVISAGER, ce que l'on ne veut pas admettre, ce qui est refoulé, ce qui est laissé en marge des narrations consensuelles ;

À PENSER, COMME CE QUI RELÈVE DES IMAGINAIRES DU FUTUR, infusés par l’injonction à l’innovation (Huyghe), frappés par une « panne » (Nova), contextualisés de manière dystopique / utopique / hétérotopique.

À PENSER, COMME CE QUI POURRAIT / DEVRAIT ÊTRE : Représentation d’usages détournés (hacking, hijacking, appropriation, repurposing, etc.) ; matériaux et process inédits ; usages idéaux, utopiques, dystopiques, etc.

Conditions de soumission d’articles et autres contenus

Les propositions de publication, sous forme de résumés de 500 mots environ, devront être envoyées avant le 2 décembre 2019 par mail (objet du mail : proposition de publication - encyclopédie des objets impossibles) à l’adresse groupe.cinedesign@gmail.com, accompagnés d’une bibliographie non exhaustive et d’une courte notice biographique.

Les articles scientifiques complets devront suivre un format de 25 000 signes maximum, en français ou en anglais et ceux-ci seront attendus dans leur version complète le 15 septembre 2020.

Les articles hors-format peuvent être accompagnés d’un court texte expliquant l’intention et la posture choisies.

Les recueils de notices seront validés avec le comité de direction. Un recueil devra comprendre au moins 5 notices, chaque notice analysant et explicitant un objet. Chaque notice fera entre 250 et 500 mots. Plus un recueil comporte de notices, plus celles-ci peuvent être courtes.

Dans tous les cas, merci d’envoyer un seul mail par typologie de proposition, en indiquant bien la catégorie dans laquelle celle-ci s’inscrit.

Informations complémentaires sur la publication

Direction d’ouvrage :

Irène Dunyach (Docteure en Design UT2J, enseignante du secondaire, LLA-CRÉATIS)
Saul Pandelakis (MCF en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)
Elise Rigot (Doctorante en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)

Comité scientifique :

Mélanie Boissonneau (Docteure en Études Cinématographiques Sorbonne-Nouvelle Paris 3, IRCAV)
Irène Dunyach (Docteure en Design UT2J, enseignante du secondaire, LLA-CRÉATIS)
Brice Genre (MCF en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)
Anthony Masure (Responsable de la recherche à la HEAD – Genève, UT2J, LLA-CRÉATIS)
Saul Pandelakis (MCF en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)
Elise Rigot (Doctorante en Design, UT2J, LLA-CRÉATIS)

L’éditeur de l’ouvrage reste à confirmer.

Exemples des recueils de notices envisagés :

  • Les organes bio-imprimés en 3D
  • Objets notables dans la série Rick & Morty
  • Corps robotiques obsolètes dans l'histoire du cinéma
  • La montre qui fait tout sauf donner l'heure : les gadgets de James Bond